Depuis le début de la saison 2024 de Formule 1, l’équipe Alpine traverse l’une des périodes les plus ardues de son histoire récente. Après avoir terminé l’année précédente à la sixième place du championnat des constructeurs – un classement déjà jugé insuffisant par rapport à ses ambitions – l’écurie basée à Enstone fait aujourd’hui face à une crise profonde, tant sur le plan technique que structurel. Loin de redresser la barre cet hiver, Alpine s’est retrouvée en fond de grille dès les premiers Grands Prix, déclenchant une vague d’interrogations autour de la direction prise par l’équipe tricolore.
Le nouveau package technique, centré sur la nouvelle A524, devait apporter le souffle de modernité et la compétitivité indispensable pour s’installer confortablement dans la lutte avec Aston Martin, McLaren, voire Mercedes. Or, le verdict de la piste a été cruel : la monoplace s’est montrée lourde, inconduisible et surtout très loin du peloton de tête. Dès Bahreïn, la différence de rythme était flagrante, tant en qualifications qu’en course, plongeant Esteban Ocon et Pierre Gasly dans une course permanente pour sortir de la Q1.
Au fil des épreuves, aucun signe de rédemption n’a vraiment pointé le bout de son museau. Malgré les efforts inlassables des ingénieurs et des pilotes, les progrès restent limités. Alpine est ainsi entrée dans une spirale négative marquée par des résultats médiocres, des tensions internes et des remaniements en cascade… jusqu’à accorder à certains observateurs le titre peu envié de « pire équipe d’usine de l’ère moderne ».
Et il faut avouer que le constat est alarmant : en 2024, Alpine semble faire pire que Williams lors de sa période noire, ou encore McLaren lors de ses déboires avec Honda. Pourtant, à la différence d’autres écuries privées, Alpine possède le statut prestigieux d’équipe d’usine, avec les ressources du groupe Renault derrière elle. Les attentes sont donc bien plus élevées. L’incapacité à répondre présent met en lumière non seulement une série de mauvais choix techniques, mais aussi une instabilité chronique au sein du management. On ne compte plus les changements de directeurs techniques et de chefs d'équipe depuis trois ans, chacun essayant d’imposer sa vision, trop souvent sans réelle continuité.
Le problème central d’Alpine semble résider dans un manque de cohérence. Le développement du châssis et celui du moteur Renault évoluent trop souvent en parallèle sans réelle synergie. Ce défaut de communication et de stratégie intégrée a coûté cher, notamment cette saison, où le V6 turbo hybride français continue de souffrir d’un déficit de puissance par rapport à ses concurrents allemands et japonais. Les évolutions aérodynamiques, quant à elles, tardent à porter leurs fruits, piégeant les pilotes dans un cercle vicieux de réglages hasardeux et de doutes permanents quant au potentiel réel de la voiture.
Fidèle au soutien de ses fans et de ses pilotes, Alpine ne baisse pourtant pas les bras. Esteban Ocon, ambassadeur de la marque au losange, refuse d’abandonner malgré les difficultés : « On sait que la route sera longue, mais chacun dans l’équipe travaille nuit et jour pour sauver l’honneur. » Mais pour combien de temps la patience du siège social et des investisseurs sera-t-elle au rendez-vous ? La Formule 1 ne pardonne pas l’approximation, surtout lorsqu’on vise la victoire à moyen terme.
Pur exemple de la volatilité du sport moderne, Alpine démontre qu’aucun nom, aussi mythique soit-il, n’est à l’abri d’une descente aux enfers technique et sportive. Pour les puristes, le rêve reste que l’équipe française se relève en retrouvant la recette du succès : stabilité, vision à long terme, et un mariage réussi entre passion et excellence technique. D’ici là, le paddock retient son souffle, guettant le moindre signe de renaissance d’un des plus grands noms du sport automobile hexagonal.