Au lendemain d’un début de saison marqué par la désillusion chez Alpine, le paddock de Formule 1 s’interroge : l’écurie française est-elle véritablement en train de sombrer comme jamais auparavant, ou traverse-t-elle seulement une phase d’apprentissage douloureuse mais nécessaire? Après quelques années à tutoyer le top 4, l’équipe basée à Enstone risque fort d’écrire, en 2024, l’un des chapitres les plus sombres de son histoire moderne.
Lors des premiers Grands Prix, les observateurs ont été frappés par le manque cruel de performance de l’Alpine A524. Des qualifications en fond de grille, chez les deux pilotes Esteban Ocon et Pierre Gasly, n’ont laissé guère de place au doute : la voiture souffre de maux profonds, tant au niveau de la vitesse que de la fiabilité. « On doit être honnêtes, c’est notre point le plus bas depuis notre retour en 2016 », a avoué une source interne, rappelant à certains la désastreuse époque Caterham menée alors par le même Enstone sous une autre marque.
Le passage à l’ère des moteurs hybrides avait permis à Alpine (anciennement Renault) de reconstruire de solides fondations, matérialisées par un retour régulier dans les points et même une victoire surprise d’Esteban Ocon en 2021 en Hongrie. Mais l’hiver a été cruel : ce qui devait être la saison du redressement grâce à un important remaniement technique s’est transformé en crise ouverte. L’aérodynamique de la monoplace, jugée instable, la place, selon la plupart des classements techniques, comme la plus lente du plateau.
Cette descente aux enfers s’explique par une succession de décisions malheureuses en coulisses. Après les départs de plusieurs ingénieurs clés à l’intersaison, Alpine paie aujourd’hui la note d’une instabilité chronique dans son organigramme technique. Laurent Rossi, Otmar Szafnauer et Alan Permane, trois figures majeures du projet, ont tous quitté le navire en moins d’un an, obligeant le nouveau directeur Bruno Famin à tout reconstruire, parfois à marche forcée. Quant aux pilotes, leur frustration est palpable à la radio, témoignant de la perte de confiance envers l’équipe.
Mais tout n’est pas perdu. Les fans les plus assidus se souviennent que la F1 a souvent offert des rebondissements inespérés : en 2019, McLaren était elle aussi au fond du gouffre avant de rebondir dès l’année suivante. Chez Alpine, la volonté d’innover demeure, même si le chantier s’avère colossal. Bruno Famin assure que des évolutions majeures arriveront avant la trêve estivale, avec une nouvelle philosophie aérodynamique en préparation et une structure technique remaniée où Davide Brivio et Matt Harman auront des rôles stratégiques.
Pour beaucoup de passionnés, la question n’est pas simplement de savoir si Alpine peut sortir de cette spirale négative, mais bien à quelle vitesse elle pourra redonner le sourire à ses supporters, dont beaucoup attendent une performance digne des grandes heures de Renault F1. Les enjeux sont d’autant plus élevés que le constructeur vise à renforcer l’image sportive d’Alpine sur le marché automobile mondial.
Dans un contexte de concurrence féroce en milieu et fond de grille, chaque point marqué revêt désormais une importance capitale pour la suite de la saison. La pression monte à Viry-Châtillon comme à Enstone : c’est tout un symbole de la passion française pour la Formule 1 qui tremble. Si Alpine parvenait à transformer sa débâcle en renaissance, le scénario pourrait tout autant inspirer qu’il ferait vibrer, rappelant une vérité fondamentale de la discipline : rien n’est jamais écrit d’avance en F1.