Alors que le Grand Prix d’Azerbaïdjan demeure l’un des rendez-vous les plus spectaculaires du calendrier de la Formule 1, la stratégie pneumatique y joue souvent un rôle décisif. À Bakou, le tracé unique – un mélange de longues lignes droites et de virages serrés au cœur de la vieille ville – pose un défi redoutable tant pour les ingénieurs que les pilotes. Or, cette année, la composition des pneus proposée par Pirelli, et notamment l’utilisation de la gomme la plus tendre, suscite des débats stratégiques au sein du paddock.
La sélection des pneumatiques par Pirelli pour ce weekend comprend les composés C3 (dur), C4 (medium) et C5 (soft), ce dernier étant le plus tendre de la gamme. Traditionnellement, les équipes apprécient le gain d’adhérence du composé soft, particulièrement lors des qualifications où la performance pure prime. Toutefois, sur le circuit urbain de Bakou, l’usure et la surchauffe du pneu tendre posent de véritables casse-têtes. Les longues lignes droites permettent de refroidir les gommes, mais la succession de courbes à angle droit et de freinages appuyés génère de fortes sollicitations latérales et thermiques.
Plusieurs simulations, réalisées lors des essais libres, tendent à confirmer une dégradation rapide des C5. « Le soft se dégrade presque instantanément ici, surtout sur les longs relais, explique un ingénieur. Dès le troisième ou quatrième tour, la perte de performance est nette, rendant ce composé difficile à exploiter en course. » Cette observation incite donc les équipes à revoir leurs plans, misant davantage sur les C4 et C3 pour la majeure partie du Grand Prix.
Un autre facteur à considérer à Bakou est la probabilité élevée d’interventions de la voiture de sécurité, le circuit étant réputé pour ses incidents et ses échappatoires limitées. Cela pousse souvent les stratèges à privilégier la polyvalence et la durabilité plutôt que la vélocité brute, d’autant plus que même en qualification, il n’est pas rare de voir certains pilotes tenter le pari du C4 sur un tour rapide. « Ici plus qu’ailleurs, un undercut bien placé ou un train de mediums frais peut faire la différence à la relance, » commente un stratège de la grille.
Les conditions météorologiques d’Azerbaïdjan, souvent venteuses au bord de la Caspienne, jouent également leur rôle. Une température d’asphalte en hausse entraîne non seulement une surchauffe du C5, mais réduit aussi sa fenêtre opérationnelle optimale. De plus, le risque de graining (formation de dépôts en surface qui diminue l’adhérence) sur le soft est élevé, en particulier en début de relais. Certains pilotes expérimentés, connus pour leur gestion délicate des pneumatiques, pourraient toutefois tirer profit du soft en toute fin de course ou lors d’une courte neutralisation.
Par ailleurs, dans une saison marquée par la domination de certaines équipes utilisant à merveille la gestion des pneus – à l’instar de Red Bull – la stratégie de pneu revêt une importance capitale. Pourtant, le défi de Bakou est tel qu’un mauvais choix de composé ou une surestimation de la tenue du C5 peut ruiner tout espoir de podium, voire de points. Les équipes qui excelleront dans leur lecture de la dégradation pourront ainsi inverser la hiérarchie, surtout si le Grand Prix se termine dans des conditions imprévisibles.
Dans cette optique, surveiller l’usage réservé au C5 – limité vraisemblablement à la Q3 et aux situations exceptionnelles – apportera une dimension supplémentaire à l’analyse de la course. Chaque décision prise dans les stands résonnera longuement pendant la course, où la réussite ne dépendra pas seulement de la vitesse de pointe, mais aussi de l’audace stratégique. Les fans auront donc les yeux rivés tant sur la piste que sur les écrans de télémétrie, car à Bakou, la roulette russe du choix des pneus n’épargne personne… et peut faire basculer le titre mondial.